Je t'ai devancée, Fortune, et j'ai fait pièce à toutes tes intrusions.
Comme il est en réalité très difficile, prenant cela pour but, de faire le vide dans son esprit, je décidai d'explorer celui-ci comme une chambre vide. Ce n'était pas une phrase, une idée ou un souhait, mais une expérience : éprouver cette sensation qui est la mienne d'avoir en moi un lieu calme et silencieux, prendre le temps de parcourir cette chambre vide.
La chambre est calme et claire. Elle n'est pas immense - on ne peut s'y perdre - mais sa nudité donne une agréable sensation d'espace. La température y est idéale, et un délicieux courant frais la traverse, juste assez pour animer l'air. Je profite de l'impression de paix que je trouve dans cette chambre, je la parcours à loisir, son calme m'imprègne, je suis tout entière présente à cette expérience, mais d'une présence qui n'a rien de frénétique. Mon regard parcourt la pièce autour de moi, je me déplace un peu, je suis en ce lieu parfaitement posée, un sentiment de clarté dans mes pensées.
Une découverte que je fais et qui me surprend, c'est que je n'ai pas besoin de rejeter le trouble hors de la pièce - hors de mon esprit - car il n'y est pas. Il reste dehors. Il ne peut y entrer. J'ai cherché, pratique courante en méditation, à le saisir pour l'expulser, mais impossible : je ne peux même pas me le représenter dans cette chambre vide. Il n'y est pas présent du tout. Je jouis de ce lieu intérieur sans trouble, et qui m'est donné tel. Ce n'est pas une tranquillité conquise de haute lutte - ce qui serait paradoxal - mais l'état dans lequel je trouve mon lieu intérieur, et que je goûte lorsque j'y porte mon attention.
Je découvre ensuite que la chambre n'est pas tout à fait vide. Il y a quelques meubles ou, plus exactement, quelques pôles. Il y a un lieu pour travailler, écrire, penser. Il y a un lieu pour se reposer. Les deux sont accueillants. Presque aucun livre, et nul autre objet. Les murs sont d'un blanc aimable, réfléchissant la douce lumière.
Le courant d'air frais que je sentais caresser mon visage provient de hautes fenêtres vers lesquelles je me tourne. Elles surplombent un magnifique paysage de villes, de collines et de rivières où le regard porte loin. A l'horizon, la mer. La lumière est douce, ensoleillée et légèrement brumeuse comme dans un tableau d'un peintre flamand. La chambre se situe en hauteur mais pourtant je n'éprouve aucun vertige. Elle est ouverte sur le monde - et parvenue au terme de cette méditation j'ouvre les yeux.
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