Il faudrait sans doute trouver d'autres mots que ceux de dom / sub, qui peuvent rebuter en évoquant des systèmes d'oppression. Car ces termes ne désignent en réalité que très imparfaitement les rapports de domination et de soumission dans les jeux érotiques, qui ne jouent sur l'aliénation que de façon symbolique ; et où, bien loin que l'existence de l'un des partenaires soit niée au profit de l'affirmation de celle de l'autre, comme c'est le cas dans une dynamique oppressive, dans les rapports dom / sub en réalité tout est fait pour le ou la sub, qui est le centre et le but du jeu ; et le respect préalable de la personne du ou de la soumisE est la condition même du jeu de domination / soumission, ce qui en autorise l'existence, ce qui permet à sub de se remettre en confiance entre les mains de dom ; ce qui permet en outre aux rapports dom / sub d'être l'exorcisme et la contestation des rapports d'oppression réels.
Mais surtout, dom et sub, cela peut être n'importe qui. Dom n'est pas nécessairement homme. Sub n'est pas nécessairement femme. Dom n'est pas forcément quelqu'un d'autoritaire dans la vie de tous les jours, sub n'est pas toujours timide et effacéE. Au contraire. Sub et dom peuvent chacun avoir toutes sortes de personnalités en-dehors de ces jeux, parfois en accord, parfois parfaitement à l'opposé de leur rôle de prédilection - vous seriez surpris comme les gens sont différents lorsqu'ils entrent dans le jeu. Il est impossible de deviner a priori si quelqu'un est plutôt dom ou plutôt sub avant d'avoir directement abordé - ou pratiqué - le sujet avec cette personne. Ni, d'ailleurs, si cette personne est bien dans le rôle qu'ielle a choisi ou tout à fait à côté de la plaque.
J'aimerais que l'on considère davantage nos conception des identités de genre femme / homme comme on le fait des rôles dans les jeux de domination / soumission.
Que chacun puisse choisir d'adopter une identité un peu, totalement, ou à divers degrés.
Que cette identité soit quelque chose qui fait l'objet d'un choix, non quelque chose qui s'impose à nous du dehors.
Qu'il ne soit pas meilleur d'être l'un ou l'autre - ou autre chose.
Que l'on puisse sans problème inverser, être selon les jours parfois l'un, parfois l'autre. Selon ce que l'on sent, selon son humeur, comme un projet ou par envie de jouer.
Ou ni l'un ni l'autre. Que l'on puisse périodiquement poser le sac, se mettre en vacances des rôles de la comédie du genre, ou même déclarer de façon permanente que ces rôles-là c'est pas pour nous, pas notre came, que l'on n'a pas envie d'y jouer - et que ça ne pose aucun problème, ni à ceux qui aiment jouer à ces rôles, ni aux autres, parce qu'après tout un jeu n'engage que celleux qui y jouent, et si celleux-là s'y amusent, pourquoi perdraient-ils leur temps à vouloir forcer à y jouer celleux que de toute évidence cela n'amuse pas.
Que ces rôles soient quelque chose que l'on endosse de temps en temps, pour quelques heures, pour en faire quelque chose d'intéressant, non quelque chose que l'on porte jour et nuit comme un masque de fer.
Que l'on puisse commencer à jouer un rôle, en changer ou se désintéresser de ce jeu-là - préférer un autre jeu - à n'importe quel moment de son existence.
Qu'il soit encouragé de jouer avec les codes de ces rôles, ou d'en inventer de nouveaux.
Que chacun puisse choisir sa manière d'interpréter le rôle qu'il choisit, et s'il veut en reprendre tous les aspects traditionnels ou faire son choix parmi ceux-ci.
Ou choisir ce qui lui plaît dans chacun des deux rôles, pourquoi pas.
Que chacun ait conscience que ces rôles sont juste des rôles parmi tant d'autres, et que la distinction masculin / féminin n'existe que comme une parmi une infinité de polarisations possibles des relations humaines - qui, d'ailleurs, ne se bornent pas à des polarisations binaires.
Que personne ne s'autorise à préjuger de ce que l'on est simplement sur notre apparence extérieure - que ce soit quelque chose d'intime et de personnel, non quelque chose que l'on porte écrit sur son front, mais quelque chose que seuls les proches, ou tout simplement ceux que cela concerne, savent.
Et que cela ne pose de problème à personne de ne pas savoir si l'on s'identifie comme homme ou femme - car chacun comprendrait que ce n'est qu'une toute petite partie de ce que l'on est, avec un champ d'application restreint, et absolument sans objet dans la plupart des situations de la vie.
A celleux qui craignent de ne plus pouvoir, dans ce
contexte, trouver facilement d'"homme" ou de "femme", qu'ielles se
rassurent : le fait que ce ne soit pas marqué sur leur figure n'a jamais
empêché les adeptes de domination / soumission de s'apparier selon
leurs goûts et leurs attentes. La communication, la communication, la communication, mes
chériEs. Et le plaisir de la recherche, comme pour les girolles.
A celleux inquiets à l'idée que peut-être ielles se trouveront fleureter avec quelqu'un sans savoir si cette personne s'identifie comme homme ou comme femme, qu'ielles se demandent ce qui est le plus important pour eux, que cette personne leur plaise ou qu'elle rentre dans la case qu'ielles ont définie par avance comme leur terrain de chasse (qu'ielles en profitent pour se demander si ça leur plaît vraiment de considérer la séduction comme une chasse. Si ça leur plaît c'est OK, c'est un rôle comme un autre, à condition de ne pas confondre le rôle avec la réalité parce que ce serait dangereux ; mais c'est important de savoir que c'est pas obligé). Et qu'ielles se rassurent : si mes vœux se réalisaient, personne, mais vraiment personne ne songerait à préjuger de leur identité de genre en se fondant sur celle de la personne qu'ielles fréquentent. Et personne ne songerait non plus à considérer qu'une identité de genre est glorieuse et toutes les autres dégradantes.
A celleux enfin qui crieront que je veux rendre tout le monde pareil et que je suis contre les différences, ou qui ont l'impression que je veux les forcer à ou leur interdire quoi que ce soit, qu'ielles relisent ce texte plus lentement. Avec tous les mots. Dans l'ordre. Plusieurs fois. Jusqu'à compréhension.
Chacun, s'il s'examine avec honnêteté, prendra conscience qu'en réalité, c'est déjà le cas, les identités de genre femme / homme sont des rôles. Choisir un rôle - pas nécessairement un de ces deux-là - et l'interpréter à notre manière, c'est ce que nous faisons déjà tous, ou que nous aimerions faire. Il ne s'agit que de faire advenir cette réalité, de la faire passer d'inconsciente à concrète - qu'elle fleurisse, pour que d'un seul coup la vie entière devienne plus exaltante.
Que cellui qui n'a jamais pris un matou pour une minette (ou l'inverse) nous jette la première pierre.
RépondreSupprimerEt nous dise s'ielle l'a moins aimé pour autant.
http://felinesofnewyork.com/post/124073581793/people-want-to-make-assumptions-based-on-your
L'autre jour dans un quotidien suisse un monsieur s'amusait de ce que les français sont persuadés que répéter un même propos plus lentement suffit toujours à le rendre compréhensible si le premier passage n'a pas suffi.
RépondreSupprimerLe propos français en question tendait à convaincre l'interlocuteur qu'on avait mieux compris que lui comment faire son bonheur quand bien même il serait contre.
Aaaaah, les français.
SupprimerAaaaaaaaaah, les quotidiens suisses.