lundi 8 février 2016

Trop verts, et bons pour les goujats

Je te raconte à quel point j'aime mes cheveux courts.

Et toi, là, tu glisse au passage que quand même, un carré, ça m'allait tellement mieux.

Et puis tu y reviens, régulièrement, de façon insidieuse.

Ça me fait grincer des dents.

Tu évoques cette période de mon existence depuis longtemps révolue, où j'étais si jolie. Est-ce que tu vas me demander de redevenir plus jeune, aussi ?

En faisant ça, on pourrait prétendre que tu ne fais que manifester que je te plais. Toi-même, tu en es certainement convaincu. Si tu te préoccupes de ce qui me rendrait le plus belle, c'est bien que je te plais, non ?

Mais non. J'ai pas besoin de ça pour le savoir, que je te plais. Que je te plais même avec mes cheveux courts de garçon. Que je te plais beaucoup, même. Ça transpire de partout dans nos conversations.

Mais là, ce que tu es en train de dire, c'est quelque chose de différent, et c'est étrange : tu es en train de me dire que je ne te plais pas assez. Tu es en train de m'indiquer comment te plaire davantage. Comme si je ne te plaisais pas déjà suffisamment ! Alors que je ne suis même pas sûr que tu me plaises, toi !

C'est drôle, tu sais, cette attitude. C'est curieux. Je me demande comment tu t'autorises. A essayer de me dicter mon apparence. On est même pas ensemble. Ça te rendrait pas plus légitime à le faire à mes yeux, remarque. Mais là, comment tu t'autorises ? Je vois pas autre chose que : parce que je te plais.

C'est assez énorme. Paradoxal. Du fait que je te plais, tu te sens autorisé à m'envoyer des injonctions pour que je te plaise encore davantage. Comme si, en te plaisant, je commençais déjà à t'appartenir un peu. Comme si ça réveillait chez toi des démangeaisons propriétaires.

Mais personne ne me possède, vois-tu.

Personne ne me dit comment m'habiller, me coiffer, me comporter, personne ne me fait rentrer dans des crasses de boîtes pour ses beaux yeux. Personne ne me somme de correspondre à ce qu'il considère comme une femme pour lui plaire.

Te plaire est beaucoup moins important que me plaire moi-même.

J'ai pas à te séduire. Si d'aventure je te plaisais pas, eh beh je me ferais une raison, tu sais. Je me contenterais de plaire à ceux à qui je plais.


Tu serais déjà tellement chanceux si tu pouvais m'avoir là, comme je suis, avec mes cheveux courts, mes pantalons, mon absence de maquillage et mes aisselles poilues. Parce que je suis géniale comme ça. Tu le sais, en fait. Je te plais. Je te plais beaucoup trop. Tellement trop que tu as perds le contrôle, et pour avoir l'illusion de le reprendre un peu, tu te sens obligé de me demander de changer.

Mais tu vois, ça n'arrivera pas. Je vais rester comme je suis : extraordinaire. Et toi, tu vas rester tout seul.

2 commentaires:

  1. C'est étrange aussi que tu réagisses aussi vivement à une préférence de coiffure énoncée.
    Si tu estimes qu'il essaye de te « dicter » comment tu devrais te coiffer (ou t'habiller, si jamais l'impudent osait parler de ta chemise, etc.) n'es-tu pas en train, toi, de donner bien plus d'importance à ses propos qu'ils ne le méritent ?

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    1. Excellent conseil !
      Je vais commencer en ne donnant pas plus d'importance à ce commentaire qu'il n'en mérite.

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