Comment t'expliquer l'angoisse, si tu ne l'as jamais connue ?
Tout ce que je pourrai faire, c'est essayer de te décrire à quoi ressemble la mienne. Car deux personnes jamais ne la vivent de façon exactement semblable ; elle varie en ses causes comme en ses manifestations ; et c'est pourquoi l'on vit parfois longtemps cette angoisse sans lui donner son nom, tant l'expérience est éloignée des définitions que l'on peut en lire.
Tu vois cette sensation que tu ressens au niveau du diaphragme à la veille de quelque chose d'important - un entretien, ou une présentation exigeante, que tu n'es pas certain-e de réussir ?Cette tension faite de peur et d'excitation, poussée à un point pénible, qui te coupe l'appétit et te donne la nausée ? Pour moi, l'angoisse, c'est comme avoir cette sensation - mais sans pouvoir lui assigner une cause : il n'y a rien le lendemain, ni entretien, ni présentation, rien.
Une appréhension vide.
Elle pourrait ressembler à certaines formes anxieuses de la joie, comme l'excitation que tu ressens à l'approche d'un rendez-vous avec une personne aimée, lorsque tu ne sais pas encore si c'est réciproque et que tu prévois de lui dévoiler tes sentiments ; ou encore cette inquiétude mêlée de désir qui te point au creux du ventre certains soirs où se fait sentir l'approche du printemps.
Mais l'angoisse ressemble à la joie anxieuse un peu à la manière d'un fruit pourri, où l'on reconnaît exactement le goût du fruit sain, mais poussé à l'extrême et corrompu jusqu'à l'infection. C'est par cette ressemblance que l'angoisse peut s'inviter dans la joie, ou la joie convoquer l'angoisse - de même que le goût du fruit sain longtemps ramènera avec lui, par contigüité, le souvenir atroce du fruit pourri.
A vous lire, j'ai l'impression de pouvoir percevoir ce que vous évoquez, mais comme une rumeur venant de loin, atténuée... J'ai la chance d'avoir une sorte de barrière de corail, qui préserve le lagon des assauts des déferlantes.
RépondreSupprimerMais ces barrières sont très fragiles...
Heureuse si j'ai pu vous faire percevoir l'expérience des déferlantes sans que vous ayez, pour cela, à quitter le lagon.
Supprimer