vendredi 4 décembre 2015

Phénoménale

Tu sens l'angoisse palpiter dans ta poitrine.

Elle ressemble à un vertige qui te prendrait assise, elle ressemble à la tête qui tourne lorsque tu te lèves trop vite, sans t'être levée trop vite.

Elle pose un lustre noir sur le voile des choses.

Tu as appris à la reconnaître comme une couleur, une odeur, comme un goût. L'angoisse a la saveur de l'acier dans ta bouche, et cette sensation de lame enserrée dans la chair de ton ventre comme ces arbres qui en croissant intègrent dans les couches successives de leur écorce les fils de fer dont on les a meurtris.

Tu as appris à reconnaître l'angoisse et aussi son absence. Ce matin la sensation de te réveiller sous un ciel dégagé, la joie tranquille d'un siège levé, pas d'ivresse ni d'exultation, juste un doux contentement, le soulagement de la sortie du tunnel. L'absence d'angoisse n'est pas un phénomène en soi, il n'y a pas de saveur particulière de la normalité, de même qu'il n'y a pas de goût de l'absence d'ananas, mais tu sais pourtant très bien reconnaître quand tu n'es pas en train de sentir le goût de l'ananas.

L'angoisse est descendue sur toi vers onze heure, dans la lumière blanche crue du milieu du jour. Tu l'as vue arriver de loin, quelques signes avant-coureurs vite dissipés, tu as cru pouvoir échapper jusqu'à ce que la main de fer soit descendue. Elle t'a saisie par l'arrière du crâne qu'elle a transformé en pierre vaguement douloureuse.

Vaguement. Rien de saillant, rien d'excessif.

Installée stable jusqu'à la prochaine relâche.

Tu vas pouvoir continuer tranquillement comme ça.

Nous sommes en montagne, et les tunnels se succèdent au long des précipices, jusqu'à on ne sait quand.

1 commentaire:

  1. Arrivera-t-il un jour, à si bien la connaître, de moins la redouter, jusqu'à la fondre en vous ?

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