mercredi 17 juin 2015

S'appuyer sur l'air

Un rêve délicieux en fin de nuit. Je rêvais que je pouvais voler. Rien d'un super-pouvoir : cela s'apparentait à de la natation, mais dans l'air. Ma maîtrise de l'affaire était assez faible, ma progression lente, mes mouvements maladroits. Pourtant, je pouvais nager la brasse ou le crawl, à un mètre du sol, et progressivement prendre un peu de hauteur.

Je montrais cela à quelques amis, leur expliquant que ce n'était pas vraiment compliqué, que tout le monde pouvait y arriver, qu'il fallait simplement une gestion assez fine de son équilibre pour parvenir à s'appuyer sur l'air, un fluide bien moins dense que l'eau. Bien répartir son poids sur la surface. Je n'y arrivais pas si bien que ça, mais c'était un début, et c'était déjà incroyable.

Tout le monde peut y arriver.

Pas un rêve d'hybris, j'étais raisonnable, progressive, je partais toujours du sol, j'évitais les décollages du 3e étage. Je n'étais pas si confiante en mes capacités. Je volais avec prudence.

L'attitude des gens présents était parfaite. Ni envieux ni jaloux, ils ne cherchaient pas à me faire redescendre sur terre, ils ne prenaient pas mes efforts pour de la vantardise. Ils ne se moquaient pas de ma maîtrise imparfaite du vol, ils me donnaient confiance malgré ma maladresse. Ils s'intéressaient, m'encourageaient, mais avec discrétion et pudeur, sans étalage d'enthousiasme suspect. Eux qui ne savaient pas voler s'intéressaient à la démonstration comme à quelque chose auquel ils n'avaient jamais pensé mais qui leur paraissait une bonne idée, quelque chose à essayer, à accueillir dans leur vie. Ils avaient aussi d'autres discussions, d'autres intérêts, ils n'étaient pas sans cesse à me fixer.

J'étais la pionnière malhabile de quelque chose de nouveau, et ceux qui assistaient à cela me savaient gré de tenter, sans chercher à amoindrir ce que je faisais en raison de son caractère mal dégrossi, imparfait, tentatif. Sans doute, s'ils s'y mettaient aussi, beaucoup d'entre eux deviendraient-ils des nageurs atmosphériques bien plus habiles que moi, servis par des qualités personnelles plus adéquates que les miennes. Mais c'était une pensée agréable, car je ne montrais pas ma technique pour dire "moi et pas vous", mais "venez aussi".

La course à l'ego, les compétitions d'orgueil étaient absentes de nos rapports. Tout était fluide et sincère. Chacun aspirait au bien.

Je nageais dans l'air au-dessus de la ville, au-dessus des jardins. Et comme c'était à Venise, à un moment l'idée me frappait que, nageant dans les airs, je n'avais pas à me borner aux endroits que j'aurais pu atteindre à pieds ; alors je prenais mon envol au-dessus des canaux, je passais sous le pont des soupirs.

Ce rêve était si désaltérant. Il parle de tant de choses.

2 commentaires:

  1. J’ai rêvé il y a peu que j’observais du haut d’un arbre quelqu’un qui volait à toute allure, en slalomant en rase-motte comme une hirondelle, impossible à identifier tant il - ou elle - allait vite.
    Je sais maintenant que ce n’était pas vous.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah non, c'était sans doute un de mes élèves plus doué que son maître.

      Supprimer