Lorsque je leur dis "tu es beau", certains sont gênés.
Certains le prennent à la blague.
Certain ne savent pas recevoir le compliment.
Certains se sentent obligés de dire "merci, toi aussi" comme si c'était "bon appétit".
Certains ont la voix qui crisse comme une craie, visiblement envie de fuir.
Certains n'ont pas d'autre choix que de contredire pour surmonter leur embarras.
Certains sont tout surpris.
Certains jouent l'étonnement.
Toi, non.
Toi : ce regard impénétrable dans tes yeux sombres, qui veut dire quelque chose comme : je sais. Et après ?
Et tu as raison.
Il n'y a pas de sens à la beauté.
Rien n'est davantage une impasse.
Beauté, et puis ça s'arrête là.
Que dire de plus ?
La beauté, c'est la fin.
Elle est là, évidente, et ça ne nous aide en rien.
Elle n'est d'aucun mérite, profondément absurde.
Comme un drap jeté sur les choses, comme un inspir profond.
Venant d'on ne sait où, ni pour combien de temps.
Fardeau seulement si on la charge.
Il n'y a pas de sens à la beauté.
Pas de raison d'en être fier.
Ni honteux d'ailleurs.
Alors pourquoi faudrait-il que tu fasses semblant de ne pas le savoir, que tu es beau ?
vendredi 26 juin 2015
jeudi 25 juin 2015
Je suis une bulle
Ce serait comme si nous étions des bulles flottant dans les courants d'air chaud au-dessus d'une vaste étendue d'eau. La hauteur à laquelle nous volerions, notre éloignement de la surface représenterait notre niveau d'énergie - momentum.
Pour la plupart, nous flottons allègrement dans les airs à bonne distance de la surface. Il y a parfois de petits sauts d'altitude, des cahots et des trous d'air, mais cela ne fait pas une grande différence : l'eau dangereuse est si loin. On ressent à peine les variations. Les bulles qui flottent ainsi loin dans les airs n'hésitent pas à emprunter tous les courants, ascendants, descendants, à prendre et gagner de la hauteur, confiante dans le fait qu'elles ont de la marge, qu'elles regagneront avec facilité l'énergie qu'elles perdent.
Moi, non. Moi, je suis cette bulle qui passe lourdement au ras de la surface, à peine au-dessus, à la toucher.
La moindre variation dans mon niveau d'énergie et je me noie.
Passer sous la surface des eaux, cela veut dire : idées noires, renfermement, autodestruction.
Parfois même la bulle pourrait être dissoute dans l'eau. N'en plus jamais ressortir. L'anéantissement.
Passer sous la surface des eaux, cela veut dire également : dépenser davantage d'énergie pour s'en arracher. Et la bulle qui ressort flotte alors encore plus bas, encore plus lente.
Il lui en faudra du temps pour regagner un peu de hauteur.
Je suis cette bulle moribonde, toujours en péril d'éclater en heurtant la surface des eaux.
Toujours cette menace si proche, cette masse obscure et profonde sous moi, insondable, dans laquelle au moindre accroc je sombre.
Pour la plupart, nous flottons allègrement dans les airs à bonne distance de la surface. Il y a parfois de petits sauts d'altitude, des cahots et des trous d'air, mais cela ne fait pas une grande différence : l'eau dangereuse est si loin. On ressent à peine les variations. Les bulles qui flottent ainsi loin dans les airs n'hésitent pas à emprunter tous les courants, ascendants, descendants, à prendre et gagner de la hauteur, confiante dans le fait qu'elles ont de la marge, qu'elles regagneront avec facilité l'énergie qu'elles perdent.
Moi, non. Moi, je suis cette bulle qui passe lourdement au ras de la surface, à peine au-dessus, à la toucher.
La moindre variation dans mon niveau d'énergie et je me noie.
Passer sous la surface des eaux, cela veut dire : idées noires, renfermement, autodestruction.
Parfois même la bulle pourrait être dissoute dans l'eau. N'en plus jamais ressortir. L'anéantissement.
Passer sous la surface des eaux, cela veut dire également : dépenser davantage d'énergie pour s'en arracher. Et la bulle qui ressort flotte alors encore plus bas, encore plus lente.
Il lui en faudra du temps pour regagner un peu de hauteur.
Je suis cette bulle moribonde, toujours en péril d'éclater en heurtant la surface des eaux.
Toujours cette menace si proche, cette masse obscure et profonde sous moi, insondable, dans laquelle au moindre accroc je sombre.
Traverser la limite
Je te parle de ma peur du vide, de ces images de défenestration - la mienne ou celle des autres - qui m'envahissent ces temps-ci dès que je suis à un balcon, à une fenêtre, ou simplement sur une hauteur.
Je te raconte comme j'essaye de me battre contre cette phobie, de ne pas la laisser me dominer, de ne pas laisser la peur me tenir éloignée de ces lieux élevés fortifiés par le savoir des sages d'où la vue est pourtant si intéressante.
Au bout d'un moment tu me fais remarquer que, quand je parle de surmonter cette peur, j'emploie quand même un peu trop l'expression "passer par-dessus" ou "sauter le pas".
On va en rester là.
Je te raconte comme j'essaye de me battre contre cette phobie, de ne pas la laisser me dominer, de ne pas laisser la peur me tenir éloignée de ces lieux élevés fortifiés par le savoir des sages d'où la vue est pourtant si intéressante.
Au bout d'un moment tu me fais remarquer que, quand je parle de surmonter cette peur, j'emploie quand même un peu trop l'expression "passer par-dessus" ou "sauter le pas".
On va en rester là.
mercredi 17 juin 2015
S'appuyer sur l'air
Un rêve délicieux en fin de nuit. Je rêvais que je pouvais voler. Rien d'un super-pouvoir : cela s'apparentait à de la natation, mais dans l'air. Ma maîtrise de l'affaire était assez faible, ma progression lente, mes mouvements maladroits. Pourtant, je pouvais nager la brasse ou le crawl, à un mètre du sol, et progressivement prendre un peu de hauteur.
Je montrais cela à quelques amis, leur expliquant que ce n'était pas vraiment compliqué, que tout le monde pouvait y arriver, qu'il fallait simplement une gestion assez fine de son équilibre pour parvenir à s'appuyer sur l'air, un fluide bien moins dense que l'eau. Bien répartir son poids sur la surface. Je n'y arrivais pas si bien que ça, mais c'était un début, et c'était déjà incroyable.
Tout le monde peut y arriver.
Pas un rêve d'hybris, j'étais raisonnable, progressive, je partais toujours du sol, j'évitais les décollages du 3e étage. Je n'étais pas si confiante en mes capacités. Je volais avec prudence.
L'attitude des gens présents était parfaite. Ni envieux ni jaloux, ils ne cherchaient pas à me faire redescendre sur terre, ils ne prenaient pas mes efforts pour de la vantardise. Ils ne se moquaient pas de ma maîtrise imparfaite du vol, ils me donnaient confiance malgré ma maladresse. Ils s'intéressaient, m'encourageaient, mais avec discrétion et pudeur, sans étalage d'enthousiasme suspect. Eux qui ne savaient pas voler s'intéressaient à la démonstration comme à quelque chose auquel ils n'avaient jamais pensé mais qui leur paraissait une bonne idée, quelque chose à essayer, à accueillir dans leur vie. Ils avaient aussi d'autres discussions, d'autres intérêts, ils n'étaient pas sans cesse à me fixer.
J'étais la pionnière malhabile de quelque chose de nouveau, et ceux qui assistaient à cela me savaient gré de tenter, sans chercher à amoindrir ce que je faisais en raison de son caractère mal dégrossi, imparfait, tentatif. Sans doute, s'ils s'y mettaient aussi, beaucoup d'entre eux deviendraient-ils des nageurs atmosphériques bien plus habiles que moi, servis par des qualités personnelles plus adéquates que les miennes. Mais c'était une pensée agréable, car je ne montrais pas ma technique pour dire "moi et pas vous", mais "venez aussi".
La course à l'ego, les compétitions d'orgueil étaient absentes de nos rapports. Tout était fluide et sincère. Chacun aspirait au bien.
Je nageais dans l'air au-dessus de la ville, au-dessus des jardins. Et comme c'était à Venise, à un moment l'idée me frappait que, nageant dans les airs, je n'avais pas à me borner aux endroits que j'aurais pu atteindre à pieds ; alors je prenais mon envol au-dessus des canaux, je passais sous le pont des soupirs.
Ce rêve était si désaltérant. Il parle de tant de choses.
Je montrais cela à quelques amis, leur expliquant que ce n'était pas vraiment compliqué, que tout le monde pouvait y arriver, qu'il fallait simplement une gestion assez fine de son équilibre pour parvenir à s'appuyer sur l'air, un fluide bien moins dense que l'eau. Bien répartir son poids sur la surface. Je n'y arrivais pas si bien que ça, mais c'était un début, et c'était déjà incroyable.
Tout le monde peut y arriver.
Pas un rêve d'hybris, j'étais raisonnable, progressive, je partais toujours du sol, j'évitais les décollages du 3e étage. Je n'étais pas si confiante en mes capacités. Je volais avec prudence.
L'attitude des gens présents était parfaite. Ni envieux ni jaloux, ils ne cherchaient pas à me faire redescendre sur terre, ils ne prenaient pas mes efforts pour de la vantardise. Ils ne se moquaient pas de ma maîtrise imparfaite du vol, ils me donnaient confiance malgré ma maladresse. Ils s'intéressaient, m'encourageaient, mais avec discrétion et pudeur, sans étalage d'enthousiasme suspect. Eux qui ne savaient pas voler s'intéressaient à la démonstration comme à quelque chose auquel ils n'avaient jamais pensé mais qui leur paraissait une bonne idée, quelque chose à essayer, à accueillir dans leur vie. Ils avaient aussi d'autres discussions, d'autres intérêts, ils n'étaient pas sans cesse à me fixer.
J'étais la pionnière malhabile de quelque chose de nouveau, et ceux qui assistaient à cela me savaient gré de tenter, sans chercher à amoindrir ce que je faisais en raison de son caractère mal dégrossi, imparfait, tentatif. Sans doute, s'ils s'y mettaient aussi, beaucoup d'entre eux deviendraient-ils des nageurs atmosphériques bien plus habiles que moi, servis par des qualités personnelles plus adéquates que les miennes. Mais c'était une pensée agréable, car je ne montrais pas ma technique pour dire "moi et pas vous", mais "venez aussi".
La course à l'ego, les compétitions d'orgueil étaient absentes de nos rapports. Tout était fluide et sincère. Chacun aspirait au bien.
Je nageais dans l'air au-dessus de la ville, au-dessus des jardins. Et comme c'était à Venise, à un moment l'idée me frappait que, nageant dans les airs, je n'avais pas à me borner aux endroits que j'aurais pu atteindre à pieds ; alors je prenais mon envol au-dessus des canaux, je passais sous le pont des soupirs.
Ce rêve était si désaltérant. Il parle de tant de choses.
vendredi 12 juin 2015
Ode à une tête de noeud
J'avais commencé à écrire ce truc en alexandrins, et puis finalement je me suis dit que cette forme patriarcale sclérosée pouvait se niquer. Mes vers auront autant de pieds qu'une manif du MLF : parfois beaucoup, parfois peu.
T'étais pas vraiment beau
Pas vraiment une lumière non plus
Honnêtement, je t'aurais pas touché du bout des doigts, tu sais
Il m'en faut plus pour me faire vibrer
Quoi je sais pas te dire, un peu d'humain, quelque chose de perso
Mais y'avait juste ce truc que t'as fait
Qui m'intriguait
Qui me faisait ardemment désirer te rencontrer
Y'avait juste ce truc, je me demandais
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Je veux dire, t'imagines quoi ?
Qu'un gros plan sur ta queue, c'est ce qu'il y a de plus attirant chez toi ?
C'est ton idée du bouquet de fleurs ?
(Pas que je sois pour les bouquets de fleurs, note bien)
Tu penses que ça va plaire à qui ?
Sérieux, ça a déjà marché ?
T'as déjà une meuf qui t'a répondu
"Oooh, jolie bite" ?
Tu t'es dit que ça me ferait plaisir ? Non mais
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
J'étais tellement surprise, tu sais
J'ai pas tous les jours la bite d'un inconnu dans ma boîte trashmail
J'ai été tentée de couper la communication
J'ai été tentée, j'avoue
Une grosse seconde
Et puis après j'ai rien dit je me suis dit
Roh non c'est pas possible
Faut pas laisser passer une occasion comme ça
Faut absolument que je lui demande
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Patiente, bonne copine
Je t'ai laissé croire ce que tu voulais
Fait la conversation, proposé la rencontre
Mais je voulais tellement savoir, t'imagines pas
Si c'était pure connerie, ignorance crasse
Enfin je voulais connaître tes motifs
T'interroger sincèrement
En mode sociologue, curieuse, impartiale
Te poser la question au détour d'un café :
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
ça t'arrive souvent, d'envoyer ta bite à des inconnues ?
T'en attends quoi ? ça te fait plaisir sur le moment ?
Oh, mes questions, je m'attendais pas à ce qu'elles te plaisent
Qu'elles te gênent, qu'elles te prennent de court peut-être
Je voulais voir ta tête
Je me préparais à l'accès de colère idiot
La violence de l'homme insulté dans sa verge
Lors c'est en lieu public que j'aurais demandé
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Mais tu t'es douté de quelque chose
Un éclair de conscience dans ta tête de noeud
Je sais pas où j'ai merdé
J'ai peut-être un peu trop souligné
Que ma chatte c'était pas open bar
Que j'allais pas m'habiller sexy, ni mettre des strings pour toi
Ah ! Chiens de réflexes féministes ! Tu annules
Quand je touchais au but, si impatiente de te demander
Calme, un sourire gourmand aux lèvres
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
La question à jamais restera sans réponse
Et ma curiosité insatisfaite, vide ainsi que ma trash mailbox
Depuis longtemps delete
Sérieux, qu'est-ce que tu voulais que j'en fasse, ta bite
J'allais pas en faire des confitures.
T'étais pas vraiment beau
Pas vraiment une lumière non plus
Honnêtement, je t'aurais pas touché du bout des doigts, tu sais
Il m'en faut plus pour me faire vibrer
Quoi je sais pas te dire, un peu d'humain, quelque chose de perso
Mais y'avait juste ce truc que t'as fait
Qui m'intriguait
Qui me faisait ardemment désirer te rencontrer
Y'avait juste ce truc, je me demandais
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Je veux dire, t'imagines quoi ?
Qu'un gros plan sur ta queue, c'est ce qu'il y a de plus attirant chez toi ?
C'est ton idée du bouquet de fleurs ?
(Pas que je sois pour les bouquets de fleurs, note bien)
Tu penses que ça va plaire à qui ?
Sérieux, ça a déjà marché ?
T'as déjà une meuf qui t'a répondu
"Oooh, jolie bite" ?
Tu t'es dit que ça me ferait plaisir ? Non mais
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
J'étais tellement surprise, tu sais
J'ai pas tous les jours la bite d'un inconnu dans ma boîte trashmail
J'ai été tentée de couper la communication
J'ai été tentée, j'avoue
Une grosse seconde
Et puis après j'ai rien dit je me suis dit
Roh non c'est pas possible
Faut pas laisser passer une occasion comme ça
Faut absolument que je lui demande
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Patiente, bonne copine
Je t'ai laissé croire ce que tu voulais
Fait la conversation, proposé la rencontre
Mais je voulais tellement savoir, t'imagines pas
Si c'était pure connerie, ignorance crasse
Enfin je voulais connaître tes motifs
T'interroger sincèrement
En mode sociologue, curieuse, impartiale
Te poser la question au détour d'un café :
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
ça t'arrive souvent, d'envoyer ta bite à des inconnues ?
T'en attends quoi ? ça te fait plaisir sur le moment ?
Oh, mes questions, je m'attendais pas à ce qu'elles te plaisent
Qu'elles te gênent, qu'elles te prennent de court peut-être
Je voulais voir ta tête
Je me préparais à l'accès de colère idiot
La violence de l'homme insulté dans sa verge
Lors c'est en lieu public que j'aurais demandé
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Mais tu t'es douté de quelque chose
Un éclair de conscience dans ta tête de noeud
Je sais pas où j'ai merdé
J'ai peut-être un peu trop souligné
Que ma chatte c'était pas open bar
Que j'allais pas m'habiller sexy, ni mettre des strings pour toi
Ah ! Chiens de réflexes féministes ! Tu annules
Quand je touchais au but, si impatiente de te demander
Calme, un sourire gourmand aux lèvres
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
Pourquoi tu m'envoies la photo de ta bite ?
La question à jamais restera sans réponse
Et ma curiosité insatisfaite, vide ainsi que ma trash mailbox
Depuis longtemps delete
Sérieux, qu'est-ce que tu voulais que j'en fasse, ta bite
J'allais pas en faire des confitures.
Inscription à :
Articles (Atom)