Dans le coin supérieur gauche de ce grand coussin contre lequel tu t'étais assis en tailleur, ton parfum me nargue.
Doux, puissant, boisé, il reste à me guetter, me tourmente, m'attire, passive et les yeux clos, pour te sentir encore sur le tissu. J'inspire et tu es en moi, dans mes poumons. Ton parfum me brûle. Pas seulement le souvenir du plaisir. L'angoisse et la douleur s'y mêlent.
Captivant et pourtant si poignant.
Ton parfum me nargue d'une façon un peu choquante, me rappelant, autant que l'obsession de ton grand corps fort et doux, tout ce qui, depuis, a été détruit. Obscène, il me parle de désir, de pudeur vaincue, de peaux satinées et de regards brûlants comme l'enfer, et je lutte contre la nausée qui me saisit quand tous ces souvenirs ne sont plus pour moi que douleur lancinante.
Ton parfum me nargue, sournois, indiscret, dans un endroit étrange, comme si tu t'étais parfumé l'épaule droite, mais pas la gauche. Je pense que c'est lorsqu'entre nous tu t'es laissé glisser de côté, vaincu par le plaisir, gémissant, fermant les yeux, lorsqu'enfin tu t'es rendu, tu t'es laissé emporter par les caresses dont nous t'accablions, comme capté par les sables mouvants.
Le souvenir des doux tourments dont nous te possédions, ton visage abandonné au rêve du plaisir, à demi enfoui dans les plis de ce coussin où à présent ton parfum me nargue, ce n'est pas un si bon souvenir, à présent que tu vis, au loin, cette incroyable et constante torture.
Le plaisir si vite a fait place à ces cendres froides.
Depuis hier, ton parfum n'est plus si puissant. Je ne peux plus t'atteindre. Bientôt il ne restera plus rien de ces moments d'ivresse que notre peine à tous, tous également souffrant, mais plus rien ne nous unit, chacun portant sa peine singulière.