vendredi 4 mai 2012

Jeanne d'Arc

Les légions infernales débordaient, écumantes, de la crypte de la cathédrale. Déjà leurs éclaireurs difformes rampaient le long des piliers sombres et surchargés de sculptures, gargouilles vivantes parmi les grimaces de pierre. Leurs armures luisaient d'un éclat sinistre dans l'obscurité à peine tempérée par quelques flammes - nos cierges et leurs flambeaux ; et nulle lumière ne montait jusqu'au haut des voûtes en ogive, ouvertes à l'infini sur une obscurité compacte.

Derrière moi, dans les hauteurs du triforium, une foule de visages inquiets guettaient la progression des démons et des flammes. Mais j'étais là, face à la crypte, seule face à l'invasion, toute ma volonté tendue pour l'affrontement décisif. A aucun moment il ne faudrait faillir. J'avais revêtu la longue robe-armure et le casque métallique à tête de mort, surmonté d'ailes squelettiques, qui s'était moulé sur mon crâne avec un bruit de succion. J'en avais d'abord tressailli de frayeur, mais la sensation du métal vivant épousant étroitement mon visage m'emplissait à présent d'une confiance nouvelle. Du reste le grand manuscrit que je tiens ouvert m'indique exactement comment repousser l'offensive infernale. A voix forte je psalmodie lentement le texte qui se déploie dans l'obscurité comme une force concrète, un mur, un tambour, un poing. Je poursuis avec constance, sans relâcher un instant mon effort. Peu à peu je vois les légions infernales fléchir sous l'assaut répété des mots, faiblir, refluer dans la crypte et disparaître.

Enfin, la menace passée, je soupire. J'ôte mon casque et mon armure. Mais un murmure de voix me fait lever la tête vers le triforium, on va et vient entre les colonnes, la foule laisse place à une autre foule ; au même moment la crypte recommence à rougeoyer. J'entends les démons rugir, j'aperçois leurs gueules hideuses qui s'avancent à nouveau. Il va falloir tout recommencer depuis le début pour l'autre demi-groupe.

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